1. PALTRICORNE OU L’INCARNATION DE L’ART.
Paltricorne est un petit bonhomme très laid. Dieu qu’il est laid !
On dit qu’il s’appelait Patrick, mais que les malformations de son dos et de sa tête lui ont valu ce sobriquet.
Pourquoi est-il né dans cet état ? Parce que ses parents menaient une vie de patachon, diront certains. Sa mère brûlait la vie par les deux bouts et elle a accouché d’un dragon. Déjà bébé il avait cette peau craquelée par endroit, rude et rêche comme l’écorce du vieux cèdre dans le jardin du père Gabriel. Tout le village l’a pris en sympathie le petit Paltricorne, on peut dire qu’il a été élevé dans toutes les maisons, hormis la sienne !
Pour ne pas que les enfants se moquent de lui, c’est l’instituteur, monsieur Marcel, qui lui a appris à lire et à écrire. Qu’est-ce qu’il était fier, la première fois qu’il a réussi à lire « anticonstitutionnellement » !
Artistiquement, c’est Mireille, la laitière du village, qui a allumé la flamme.
Ha, mais… je ne vous ai pas dit ? Paltricorne fabrique des objets merveilleux, à partir de n’importe quoi. Il sculpte, colle, dessine des soleils, des rivières aux reflets turquoise, du bonheur à exposer chez soi qu’il partage avec ses bienfaiteurs.
Lorsqu’il était petit, comme je vous le disais, c’est Mireille, en fabriquant ses fromages, qui lui racontait Jules Vernes, Darwin, de Vinci et toutes ces histoires, Paltricorne, avec humour, les mélangeait et se les appropriait. Il assure qu’il a aperçu, lors d’une de ses promenades en bord de Loire, les tentacules du Kraken, sombrer dans les profondeurs sombres du fleuve… Mais ceci est une autre histoire…
Il n’y a pas une fête, une cérémonie ou un barbecue où Paltricorne n’est pas invité.
Il a beau être laid, son esprit est empreint de convivialité. Il a beau être laid, c’est un artiste au grand cœur et sa spécialité, c’est le bonheur.
ERB